Yoann Arnaud

Comment avez-vous découvert les Moocs ?

Je ne me rappelle plus vraiment à quelle occasion j'ai découvert les MOOCs... Je pense qu'il s'agit plutôt d'un faisceau concordant d'informations qui me sont parvenues vers 2013-2014. Je venais d'être recruté à Arts et Métiers (après 3 années passées à enseigner dans 2 autres écoles d'ingénieur sur la base classique CM-ED-TP-projets) et je me suis engagé dans la démarche de pédagogies actives. La plateforme Moodle (que je connaissais déjà bien et qui permet de déposer ses cours et de rédiger des questionnaires) était en phase de croissance chez nous, j'ai suivi des formations sur la thématique des pédagogies actives et mon collègue Michel MAYA était en train de réaliser son MOOC sur la "Mécanique des Solides Déformables". Tout ceci s'est télescopé à peu près au même moment, et j'ai pris conscience du potentiel des MOOCs à ces moments-là.

Qu’est-ce qui vous a motivé à utiliser un Mooc dans votre enseignement ?

En fait, ce fut assez simple. Quand on tombe sur un MOOC de très bonne qualité et qu'on se rend compte qu'il est difficile de faire mieux soi-même en regard des notions à faire passer à ses étudiants, il devient logique d'essayer de l'insérer dans sa pédagogie. Si en plus, le MOOC en question s'intègre facilement dans la séquence pédagogique, il n'y a plus vraiment de questions à se poser. Il ne sert à rien de réinventer la roue constamment.

Comment utilisez-vous ce Mooc ? Cela a-t-il modifié votre façon d’enseigner ?

Je fais usage du MOOC "Principe du Dimensionnement en Mécanique - Partie 1" de l'ENS Cachan. J'utilise ce MOOC dans son intégralité dans le cadre de l'enseignement de mécanique des poutres, faisant partie de l'Unité d'Enseignement Fondamental (UEF) Mécanique de 1ère année. Ce MOOC s'intègre au début de ma séquence pédagogique, pour 1/3 du volume horaire dédié à la mécanique des poutres. Il a pour but d'apporter les notions de bases essentielles à la compréhension des phénomènes mécaniques en jeu et aux méthodes de calcul à mettre en œuvre. Cela remplace les traditionnels Cours Magistraux (CM) en amphi. A la place, les étudiants viennent en salle informatique par groupe de 24, ils peuvent aussi utiliser leur propre matériel informatique (ordinateur, tablette, smartphone) ou encore s'installer dans une autre salle à proximité. Pour les 2/3 du volume horaire restant, il s'agit de renforcer et même dépasser ces notions à l'aide d'Enseignements Dirigés (ED) et d'un mini-projet.

J'utilise aussi ce MOOC partiellement avec mes étudiants de l'ITII de Chambéry, mais les attentes sont moins poussées avec ce public qui, pour la plupart, ne connaissait pas la mécanique avant de démarrer le cycle ingénieur par alternance.

L'intégration d'un MOOC dans sa pédagogie va forcément demander un effort d'adaptation. Mais c'est surtout une barrière psychologique qu'il faut franchir, je pense, car il faut accepter de ne plus être le prof omniscient qui déroule son cours (plus en permanence, en tous cas), mais plutôt un coach qui vient en soutien quand cela est nécessaire, pour par exemple reformuler une notion mal comprise ou dénicher une erreur de calcul. Mais je ne dirai pas que cela a modifié ma façon d'enseigner, je dirai plutôt que cela l'a enrichi.

D’après vous, quelle est la plus – value de l’intégration d’un Mooc dans votre enseignement ?

Je vois quatre avantages à l'intégration de ce MOOC dans mon enseignement. Le premier est que l'apprentissage par MOOC s'adapte plutôt bien avec le concept des "Office Hours" (OH). Le deuxième est que cela met les étudiants dans une démarche d'apprentissage actif, alors qu'ils seraient en majorité passifs en amphi (voire absents), et qui est donc bénéfique pour eux. Le troisième est que chacun peut avancer à son propre rythme (qui n'a jamais eu le sentiment d'être "largué" au milieu d'un cours ?). Le quatrième, et le plus important selon moi, est que je peux identifier très tôt des étudiants en difficulté. En général, il est beaucoup plus simple (peut-être moins gênant aussi vis-à-vis des camarades) de poser des questions à l'enseignant en direct pendant les OH, que de le couper en amphi ou en ED. Et en fonction des questions posées, j'arrive à cerner très vite les situations problématiques, ce qui permet d'y remédier plus efficacement.

Quels sont les retours de vos étudiants ?

Pour les étudiants du cursus ingénieur généraliste (FITE), la quasi-totalité s'adapte bien à l'outil. Il y a bien évidemment divers degrés d'adhésion, mais on peut dire que ça se passe très bien avec ce MOOC-là.

Pour les étudiants ITII, c'est plus contrasté. Les profils ne sont pas les mêmes qu'en FITE et certains sont déstabilisés par cette forme d'auto-apprentissage qui les éloignent du mode d'apprentissage classique qu'ils connaissent bien. D'après les sondages que je réalise, c'est du 50/50. Cependant, j'arrive à les convaincre de la pertinence de l'outil, car ils auront besoin de se former tout au long de la vie, que ce soit avec un MOOC ou un autre dispositif.